Dans un monde où l'entrepreneuriat est souvent perçu comme un parcours semé d'embûches, Seguy Abessy Laurent Christophe, plus connu sous le nom de "Tonton JC la merveille", incarne la persévérance et l’innovation. Titulaire d’une licence en droit public, il a troqué les bancs de l’université pour les saveurs exquises des jus naturels. Dans cet entretien, il partage avec nous son parcours, ses motivations profondes et sa vision pour l’avenir de son entreprise, Les Merveilles de Lawrence.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours scolaire et les diplômes que vous avez obtenus ?
Après l'installation de mes parents à Dabou, j’ai effectué mon cycle préscolaire au Groupe Catholique Notre Dame des Tout-Petits ; j’ai ensuite poursuivi mon cycle primaire à l’École Catholique Mixte de Dabou, puis à l’EPP Application de Dabou. En 1999, après l'obtention du CEPE et le passage en sixième, j’ai été orienté au Collège Moderne Bessio de Lambert avant de décrocher mon BEPC en 2004 au Collège Privé Catholique Mixte Charles de Foucault.Par la suite, j’ai été orienté en série littéraire (A2) au Lycée Moderne Leboutou de Dabou, où j’ai obtenu mon baccalauréat en 2007 ; la même année, j’ai intégré l'Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest - Unité Universitaire d'Abidjan-Cocody (UCAO-UUA), où j’ai suivi des études en droit civil jusqu’en 2011, obtenant une licence en droit public.
Quelles étaient vos aspirations professionnelles avant de vous lancer dans la vente de jus naturels ?
Avant de me lancer dans l’entrepreneuriat, j’avais plusieurs ambitions : devenir steward, mannequin ou encore ambassadeur ; cependant, ce qui me passionnait le plus, c'était la communication audiovisuelle, notamment le journalisme. Malheureusement, sous la pression de mon père, enseignant d’Éducation Physique et Sportive (EPS), j’ai dû me résigner à suivre des études de droit, un choix que je n’avais pas pleinement désiré.
Qu'est-ce qui vous a poussé à choisir l'entrepreneuriat plutôt qu'une recherche d'emploi dans votre domaine d'étude ?
Plusieurs raisons ont motivé mon choix : une passion dévorante pour la cuisine et la restauration, en particulier pour les jus, les laits végétaux et les cocktails ; j’ai appris la cuisine grâce à ma mère, mes sœurs, mes cousines et d’autres personnes rencontrées au fil du temps. Une déception face à mes expériences professionnelles passées ; j’ai toujours donné le meilleur de moi-même, mais j’ai souvent été méprisé, mal récompensé ou même humilié. Un attachement profond à mon indépendance ; être son propre patron n’a pas de prix. Un amour pour le terrain et le contact direct avec la clientèle, plutôt que le travail en bureau climatisé. Un faible attrait pour les concours de la fonction publique ; selon moi, le bonheur ne réside pas exclusivement dans un emploi stable, l’entrepreneuriat est une alternative viable et respectable. Un désir de proposer des produits naturels et innovants aux populations africaines ; j’ai voulu valoriser les richesses et vertus des fruits africains à travers mes jus. Un combat contre les préjugés ; en Afrique, la production et la vente de jus sont souvent perçues comme des activités réservées aux femmes ou aux personnes non scolarisées, j’ai voulu prouver que ce métier pouvait être noble et lucratif. Une révélation divine ; après le décès de ma mère en juillet 2018, j’ai reçu une vision qui m’a conforté dans ma décision d’entreprendre.

Comment avez-vous appris à produire des jus naturels et à gérer une activité commerciale ?
J’ai appris la production de jus auprès de ma défunte mère ; elle m’a enseigné comment préparer le jus de bissap, de tamarin (tomi) et de baobab, ses préférés. Ensuite, j’ai enrichi mes connaissances grâce à mon entourage, aux réseaux sociaux et à des formations en ligne. Quant à la gestion commerciale, je l’ai apprise dans mon enfance, notamment auprès de l’épouse de mon oncle paternel, pâtissière de profession ; j’ai ensuite perfectionné mes compétences grâce aux conseils d’entrepreneurs, à des formations en ligne et à mon expérience sur le terrain.
Quels ont été les premiers défis rencontrés en lançant votre activité ?
En septembre 2018, mes principaux défis étaient matériels et financiers ; contrairement à ce que certains influenceurs prétendent, on ne se lance pas dans l’entrepreneuriat avec de simples idées, il faut un minimum de ressources. Étant orphelin, j’ai surmonté ces obstacles grâce à mes économies, à de l’argent gagné lors de prestations à l’église, à la vente d’objets personnels et à l’aide financière et matérielle de certaines personnes bienveillantes.
Quelle a été la réaction de votre entourage face à votre choix professionnel ?
La réaction a été mitigée ; beaucoup, notamment dans ma famille, ont désapprouvé ma décision, certains considéraient cela comme une honte, un gâchis après des années d’études. Cependant, d’autres, notamment des abonnés de ma page Facebook et des animateurs télé, ont salué mon courage et ma vision ; certains hommes de Dieu y ont même vu un destin tracé par le Seigneur.
Avez-vous bénéficié d'un accompagnement ou d'un financement pour démarrer votre entreprise ?
J’ai reçu une aide matérielle et quelques soutiens financiers, principalement de la part d’inconnus rencontrés sur les réseaux sociaux et d’anciens camarades d’université ; cependant, je n’ai bénéficié d’aucune aide institutionnelle ou d’un organisme officiel.
Comment organisez-vous votre travail pour assurer la qualité et la rentabilité de votre activité ?
Mon travail suit plusieurs étapes : sélection rigoureuse des matières premières dans les marchés de Dabou, Adjamé et Yopougon ; hygiène stricte, lavage méticuleux des ingrédients et du matériel ; production nocturne, un moment plus calme et frais pour travailler efficacement ; livraison optimisée, avec des livreurs partenaires pour assurer un service rapide ; gestion autonome, faute de moyens pour embaucher.
Quels sont vos objectifs à moyen et long terme ?
À moyen terme : acquérir du matériel professionnel (machines d’extraction et de pasteurisation) ; participer à des salons et conférences ; augmenter mon capital financier. À long terme : obtenir une reconnaissance nationale et internationale pour ma marque Les Merveilles de Lawrence ; créer une unité agroalimentaire spécialisée dans la transformation des fruits ; établir des partenariats avec des structures agricoles africaines.
Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes diplômés qui hésitent à se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Voici mes conseils : ayez foi en Dieu et en vous-même ; ne sous-estimez pas vos diplômes, ils vous seront utiles un jour ; préparez-vous aux critiques et aux obstacles ; restez passionnés, persévérants et patients ; étudiez bien votre marché avant de vous lancer ; ne comptez pas uniquement sur des aides extérieures, démarrez avec vos propres moyens. L’entrepreneuriat n’est pas un chemin facile, mais il peut être une source d’épanouissement et de réussite.
Interview réalisée par Toussaint Konan