Après avoir analysé avec attention le projet de loi portant ratification de l’ordonnance n°2024-368 du 12juin 2024 relative aux Organisations de la Société Civile, le groupe parlementaire du PDCI-RDA a fait une sortie remarquable ce lundi 10 mars. Ci-dessous sa déclaration dont nous avons reçu copie.
« (…) Il s’agit pour la représentation nationale de ratifier un texte parlementaire déjà en vigueur et maintes fois déjà utilisé par l’Exécutif, oui simplement ratifier sans la moindre possibilité de l’amender, une ordonnance qui vise à organiser les Organisations de la société Civile. Rien que ça ! Pourtant, les entités auxquelles elle touche, sont extrêmement importantes qui participent à la promotion des libertés, les libertés individuelles et collectives ainsi qu’à l’expression démocratique. Quelle matière, plus que celle-là, devrait être ouvertement débattue, connaître les opinions diverses des Députés, des propositions d’amendement ?
Présentée à la législature précédente, cette ordonnance, au motif d’un réaménagement de calendrier de l’Assemblée nationale, a été retirée de l’étude de la Commission des Affaires Générales et Institutionnelles. Les Organisations de la Société Civile croyaient que leurs récriminations contre le Gouvernement avaient reçu un écho favorable et que le Gouvernement se résoudrait à renoncer à l’ordonnance. En effet, en vue de l’élaboration d’un texte normatif consensuel relatif aux organisations de la société civile, le Ministère de l’Intérieur, avait, dans une démarche inclusive et concertée, appelé des entités membres de la société civile à participer à la réflexion.
Contre toute attente, une ordonnance, elle, méprisant les maigres acquis du travail concerté et inclusif avec le Ministère de l’intérieur, était conçue par le Gouvernement, mise en œuvre et soumise à l’adoption de l’Assemblée nationale. L’ensemble des associations, ONG et autres congrégations religieuses en demandaient purement et simplement le retrait de l’ordonnancement juridique. (…) Le Groupe parlementaire PDCI-RDA fait le constat que les Organisations de la Société Civile jouent un rôle crucial dans l’expression démocratique ainsi que dans la promotion des libertés individuelles et collectives.
Après lecture de l’exposé des motifs et après analyse de l’ordonnance, le Groupe parlementaire PDCI-RDA estime que cette ordonnance est en total violation des prescriptions constitutionnelles et des principes démocratiques auxquels notre pays la Côte d’Ivoire a souscrit depuis son accession à l’indépendance et à l’autodétermination. Outre cette méthode cavalière de recourir intempestivement aux ordonnances, le Groupe parlementaire PDCI-RDA s’étonne que la loi n°60-315 du 21 septembre 1960 relative aux associations puisse être réformée par une hâtive ordonnance. De plus, le Groupe parlementaire PDCI-RDA relève les points suivants :
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- Le Groupe parlementaire PDCI-RDA comprend difficilement l’urgence de la prise d’une ordonnance en lieu et place d’une loi comme l’article 101 de la Constitution, relatif au domaine de la loi le suggère sur le point de l’exercice des libertés publiques fondamentales ;
- L’ordonnance ne fait aucune mention des droits, du domaine d’exercice et de la promotion de la société civile, conformément à l’article 26 de la Constitution ivoirienne du 8 Novembre 2016 ;
- L’ordonnance ne prévoit aucune mesure de protection des acteurs de la société civile dans l’exercice de leur fonction, alors que laloi n°2014-388 du 20 juin 2014 portant protection des défenseurs des droits de l’homme, qui sont pourtant une catégorie d’acteurs de la société civile, contient des provisions sur la protection des défenseurs des droits de l’homme, de leurs locaux et de leurs domiciles ;
- L’ordonnance permet une ingérence surabondante de l’Administration publique dans la gestion des organisations de la société civile ;
- L’ordonnance contient majoritairement des obligations et des sanctions, y compris des sanctions pénales, vis-à-vis des organisations de la société civile et de leurs dirigeants. Alors que paradoxalement, ladite ordonnance ne laisse transparaître aucun régime clair de droits pour les organisations de la société civile ;
- L’ordonnance ne permet pas de voies de recours aux organisations de la société civile, quant aux décisions prises par l’Administration publique sur la création et la dissolution des organisations de la société civile ;
- L’ordonnance permet la dissolution des organisations de la société civile en Conseil des Ministres, donc par l’Exécutif, pour celles des organisations de la société civile qui n’agiraient pas dans le sens de l’ordre public, la cohésion nationale, sans pour autant définir ces notions ;
- L’ordonnance impose aux organisations de la société civile, notamment les ONG, les églises, les mosquées, de fournir des rapports d’activités, alors que les organisations de la société civile ne sont pas censées avoir une tutelle ou subir un contrôle administratif par l’administration publique ;
- L’ordonnance met directement en lien le financement des Organisations de la sociétés civiles avec la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent ;
- L’ordonnance impose des dispositions non conformes aux principes de la société civile et aux textes internationaux.
Déjà, une majorité des organisations de la société civile a entrepris les diligences pour saisir le Rapporteur Spécial des Nations Unies en charge des Droits de l’Homme. Le 05 novembre 2024, à l’occasion de l’Examen Périodique Universel à Genève, dix-sept (17) pays ont appelé l’attention de la Côte d’ivoire sur ce que cette ordonnance entravait en nombre de ses points, les libertés individuelles et collectives. Ces Etats dont curieusement la lointaine ESTONIE avaient invité la Côte d’Ivoire à mieux se gouverner en conséquence ! En tout état de cause ,le Groupe parlementaire PDCI-RDA voudrait avoir des explications de l’Emissaire du Gouvernement sur des liens supposés entre la société civile et le Blanchiment de Capitaux, le Financement du Terrorisme et la Prolifération des Armes de Destruction Massive, comme cela a été allégué dans l’exposé des motifs.
Le Groupe parlementaire PDCI-RDA exprime sa profonde indignation face à de tels amalgames tendancieux et dangereux. Il relève, en conclusion, que l’ordonnance n°2024-368 du 12juin 2024 relative aux Organisations de la Société Civile constitue une dérive autoritaire au détriment des libertés associatives. Par conséquent, au terme de son analyse, le Groupe parlementaire PDCI-RDA demande le retrait pur et simple de cette ordonnance en vue de l’élaboration d’un projet de loi après une large consultation des acteurs de la société civile concernés. Le Groupe parlementaire PDCI-RDA ne participe pas au débat qui va s’ouvrir. »