Le mardi 4 février 2025, la maison de la presse d'Abidjan, l’Institut Panos Afrique de l’Ouest, en partenariat avec l’Unesco, a lancé un projet audacieux intitulé « Relever le défi de la sécurité juridique des médias face aux nouveaux enjeux numériques au Sénégal et en Côte d’Ivoire. ». Cette initiative vise à renforcer la viabilité des médias en Afrique de l’Ouest, confrontés à la concurrence accrue des plateformes de contenu telles que les GAFAM, TikTok et Opera News, qui agrègent et distribuent des contenus en ligne de sources diverses. L’accent est mis sur l’amélioration des cadres juridiques au Sénégal et en Côte d'Ivoire pour mieux protéger les médias locaux.
Une nouvelle ère de vulnérabilité pour les médias africains
L'internet a favorisé l'émergence d'une presse en ligne africaine et offert des opportunités de croissance, mais il a aussi exposé les médias à de nouvelles formes de vulnérabilité. Parmi elles, la valorisation commerciale de leurs contenus éditoriaux et artistiques par d'autres acteurs, sans autorisation ni contrepartie financière, constitue une menace majeure. Cette situation accentue la crise économique structurelle qui compromet la viabilité des médias ouest-africains.
La presse, qui tire principalement ses revenus de la vente de journaux et de la publicité, est confrontée à un marché désorganisé et étroit. Les GAFAM, en se positionnant comme des géants de la publicité, aggravent le déséquilibre du marché au détriment des véritables producteurs de contenus que sont les éditeurs de presse. En 2021, ces compagnies ont accaparé plus de 80 % du marché publicitaire sur internet. L'émergence du Web a fondamentalement remis en cause les enjeux liés aux droits d'auteurs, aux droits voisins, à la propriété intellectuelle et aux politiques fiscales nationales et internationales.
Les conclusions d'une étude révélatrice
Prenant la parole lors de l’atelier, M. Koné Simeon, consultant, a déclaré : "Les études que nous avons menées confirment clairement que des contenus médiatiques sont repris par les plateformes numériques comme Google et Apple sans que les titulaires des droits ne reçoivent de rémunération. Le phénomène est réel et bien documenté. Les conclusions de notre étude seront transmises au mandant IPANOS Afrique de l'Ouest, qui se chargera de contacter les acteurs étatiques, notamment l'État de Côte d'Ivoire, pour harmoniser les législations et mieux protéger les contenus diffusés sans autorisation sur les plateformes numériques.", a déclaré le consultant. Il a également souligné l'importance de recueillir les avis, recommandations et observations des acteurs du secteur pour mener des études pertinentes et conformes à la réalité de la presse aujourd'hui.
Une réponse urgente à une menace croissante
Si rien n'est fait, d'importantes opportunités de revenus échapperont aux médias et créateurs de contenus de la sous-région africaine. De nombreuses entreprises de presse ouest-africaines risquent de se retrouver dans une situation délicate, affectant ainsi le pluralisme médiatique et la liberté d'expression portés par une presse indépendante. En réponse à cette menace, l'IPAO a été sélectionné, dans le cadre du Programme International de Développement de la Communication (PIDC) de l'Unesco, pour mener ce projet pilote.
L'atelier vise à améliorer la connaissance des acteurs médiatiques, institutionnels et culturels du cadre normatif relatif à l'exploitation de leurs contenus, afin de les engager dans un plaidoyer pour une réforme législative et réglementaire. Les objectifs spécifiques incluent la restitution des conclusions de l'étude sur le cadre légal national et supranational et la formulation de recommandations et d'actions de plaidoyer au niveau national et sous-régional. Les résultats de cette étude contribueront à construire un nouvel ordre de partenariat équitable et gagnant-gagnant entre les agrégateurs de contenus et les médias et créateurs de contenus ouest-africains, garantissant ainsi un avenir plus sécurisé pour la presse africaine.
Parfait Koffi